Numérisation et flexibilité du réseau, des vecteurs clés de la transition vers une énergie propre
La résilience énergétique et de la consommation
13 novembre 2023
6 min
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La souplesse des réseaux électriques est un paramètre de plus en plus critique à mesure que la part des énergies renouvelables intermittentes s’accroît dans la production mondiale. D’après le Centre commun de recherche de la Commission européenne, cette marge de flexibilité des réseaux devra encore être multipliée par deux d’ici à 2030, et par sept à l’horizon 2050.

La numérisation du réseau et la gestion de sa flexibilité sont deux clés de voûte de la transition en cours vers une énergie propre. Ces dernières années, l’investissement dédié à la numérisation a sensiblement augmenté pour passer de 12 % de l’investissement total dans les réseaux en 2016 à 20 % en 2022. Cette hausse témoigne du vif intérêt des opérateurs pour des solutions numériques de veille et de contrôle en temps réel susceptibles d’améliorer la gestion des réseaux de transport et de distribution électriques.

La croissance prévue de l’électrification ne pourra être assimilée sans une profonde modernisation des infrastructures. La réorientation de la production au détriment des énergies fossiles implique que les réseaux existants prennent en charge des volumes considérables d’énergies renouvelables, ce qui impose de véritables défis techniques.

Centrales électriques virtuelles : un moment charnière pour la production énergétique

Une nouvelle génération de Ressources électriques distribuées (Distributed Energy Resources  ou DER) prend aujourd’hui son essor pour répondre à la demande croissante d’énergies propres et renouvelables. 

Les technologies des batteries de stockage, des véhicules électriques et de la production photovoltaïque affichent des progrès remarquables, encourageant les gestionnaires de réseaux dans leur volonté de développer les énergies renouvelables. Dans ce contexte, les centrales électriques virtuelles (Virtual Power Plants ou VPP) font valoir leurs atouts pour satisfaire la croissance de la demande énergétique tout en améliorant la résilience des réseaux électriques.

Les VPP sont à la fois des plateformes techniques et des nœuds transactionnels. Capables de coordonner un grand nombre et une grande variété de ressources, et de les mobiliser en une poignée de secondes pour répondre à une instruction à l’échelle du mégawatt, elles offrent aux gestionnaires de réseaux un formidable outil de gestion de la complexité. Au-delà des aspects techniques, les VPP prennent en charge les flux transactionnels et rémunèrent chaque ressource à hauteur de sa contribution, en prenant en compte les prix de l’énergie au moment de celle-ci ainsi que les versements effectués par les gestionnaires des réseaux de transport et de distribution. Cette consolidation des transactions constitue une valeur ajoutée importante pour les propriétaires des DER.

Les DER sont en quelque sorte les éléments constitutifs des VPP, qui peuvent puiser dans ces ressources pour fournir de l’énergie à tout instant. Ainsi les VPP peuvent ajuster rapidement la production et la demande, ce qui minimise les risques de délestage et réduit la facture pour l’utilisateur final. Ces dernières années, de nombreuses VPP ont été intégrées dans des projets immobiliers résidentiels ou commerciaux, car la perspective d’une électricité fiable à des tarifs raisonnables est un argument de vente séduisant. Il est également possible de rejoindre une VPP en tant que consommateur : l’année dernière, Tesla a lancé au Texas un nouveau service de fourniture d’énergie qui permet aux propriétaires de batteries Powerwall de revendre leurs excédents au réseau.

DER : un changement de paradigme pour la distribution électrique

Parallèlement à la montée en puissance des DER, les réseaux de distribution connaissent une transformation profonde qui fait émerger de nouvelles couches de gestion et de contrôle. Le Système avancé de gestion de la distribution (Advanced Distribution Management System, ou ADMS) est un élément essentiel de toute salle de contrôle moderne : il intègre la numérisation des flux observables, la détection, l’isolation et la réparation des défaillances, la reconfiguration du réseau et les systèmes de gestion des coupures de courant.

Mais c’est au niveau des installations basse tension que le réseau de distribution est confronté à ses plus grands défis, car leur gestion exige une observabilité plus fine et une certaine souplesse de la part des DER. C’est ici que les Systèmes de gestion des ressources énergétiques distribuées (Distributed Energy Resources Management System ou DERMS) sont associés aux ADMS afin d’orchestrer la flexibilité des DER, et leur régulation en fonction des besoins du réseau basse tension.

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Numérisation du réseau électrique : les jalons du parcours

La modernisation et la numérisation des réseaux de demain tracent un long parcours, dont nous pouvons souligner ici quelques étapes importantes.

La première consiste à comprendre la topologie du réseau et les plateformes ADMS et DERMS, afin de déterminer si tout le potentiel du réseau est effectivement exploité.

Ensuite, il faut se pencher sur l’observabilité du réseau au niveau basse tension. Les systèmes de contrôle et d’acquisition de données (Supervisory Control And Data Acquisition ou SCADA) couvrent essentiellement la moyenne tension, et le niveau d’investissement dans la gestion et le contrôle des basses tensions reste souvent trop faible. Mais ces obstacles peuvent être surmontés en mobilisant les données issues des compteurs intelligents ou d’autres dispositifs de contrôle, pour les associer aux capacités des ADMS et des DERMS.

Troisièmement, il est essentiel d’assurer l’interopérabilité et à la cybersécurité des VPP, des ADMS et des DERMS. L’interopérabilité est indispensable pour assurer une interaction fluide entre ces différents systèmes ; la cybersécurité prendra une importance de plus en plus critique à mesure que se multiplient les connexions entre réseaux et opérateurs externes.

Enfin, il faut veiller à ce que les équipements du réseau, et en particulier les systèmes câblés, soient dimensionnés avec une certaine tolérance aux variations : l’allocation optimisée des ressources conditionne les expansions futures du réseau.

Pour remédier aux défauts d’observabilité du réseau, Nexans travaille en partenariat avec Sensewaves à l’élaboration d’une topologie réseau calculable pour les GRD. Le logiciel analytique de Sensewaves recourt à l’Intelligence Artificielle (IA) pour analyser les données issues de compteurs intelligents ou d’autres dispositifs, afin d’améliorer la planification et la fiabilité des actifs. Cette association sans équivalent de l’IA et de l’analyse de données offre aux GRD un degré de compréhension systémique qui va bien au-delà de la gestion de l’exploitation proposée par les plateformes ADMS et DERMS.

La modernisation des réseaux électriques s’impose comme une adaptation inéluctable à la croissance prévue de l’électrification. Le recul des énergies fossiles dans la production d’électricité exige que les réseaux s’ouvrent aux interconnexions avec les énergies renouvelables ; de ce fait, les technologies émergentes dans les domaines de la distribution, du transport et de la gestion des énergies propres sont incontournables dans nos efforts de réduction des émissions de carbone.

Anne-Soizic Ranchere

Auteur

Anne-Soizic Ranchère est en charge du Marketing for Power Accessories and Grid Design Lab chez Nexans.

Elle possède 16 ans d’expérience dans le secteur électrique, en analyse stratégique, innovation produit et valorisation de projets. Elle a travaillé chez ENGIE en Belgique en tant qu’analyste senior, gérant la valorisation de projets d’investissement dans les infrastructures de production d’électricité.

Elle possède une vaste expérience dans le domaine des réseaux intelligents et des services énergétiques, ayant occupé des postes de direction en marketing, opérations et innovation au sein d’une entreprise leader dans le domaine de la flexibilité électrique en Europe, au Moyen-Orient et en Asie, ainsi qu’à Singapour en tant que directrice au sein de l’institut de recherche en énergie et dans un cabinet de conseil.

Anne-Soizic est titulaire du Master Science and Executive Engineering de Mines ParisTech.