Qu’est-ce que l’approvisionnement responsable du point de vue d’un fabricant de câbles ?
David Grall, Nexans VP Sustainability & Corporate Transformation : Pour Nexans, il s’agit d’intégrer les principes ESG dans notre manière de travailler. Chaque achat, chaque câble vendu au client final doit refléter le respect des droits humains, la réduction de l’empreinte environnementale et l’adhésion à une conduite éthique. C’est ce que nous appelons chez Nexans la philosophie E3 !
Du point de vue d’un distributeur, quelles sont les attentes et les défis en matière d’approvisionnement responsable ?
Isabelle Hoepfner-Léger, Rexel General Groupe Secretary : Les clients sont conscients de la rareté du cuivre et des enjeux liés à son extraction, ils posent donc beaucoup de questions. Nous voulons répondre à leurs besoins. Ils nous suivent lorsque nous recommandons certains produits, mais pour cela, même si nous sommes nous-mêmes fortement engagés dans la durabilité, nous avons besoin de transparence et de données de la part de nos fournisseurs. Nous proposons des produits dont nous connaissons la traçabilité, les émissions carbone et le niveau de transparence, et nous devons bien sûr nous assurer que ces informations soient exactes.
Comment vos pratiques en tant que producteur de cuivre répondent-elles à toutes ces attentes ?
Daniel Hojniak, Chief ESG Specialist chez KGHM : Pour répondre aux attentes réglementaires et des clients, aux risques environnementaux et sociaux, ou encore aux exigences de conformité, nous assurons avant tout une stabilité d’approvisionnement. Par exemple, grâce à notre partenariat de long terme avec Nexans — avec lequel nous avons signé un contrat majeur pour la fourniture de cathodes de cuivre sur la période 2023–2027 — nous assurons un approvisionnement fiable de près de 23 000 à 28 000 tonnes de cuivre par an. Mais nous tenons également compte de notre empreinte carbone, de notre empreinte hydrique, et des conditions de travail de nos employés, notamment ceux travaillant sous terre. Le mot clé qui relie tous ces thèmes est la transparence. Du point de vue du producteur, c’est plus facile car nous maîtrisons nos propres opérations. Mais cela devient complexe avec le cuivre recyclé, car il est difficile d’en connaître tout l’historique.
Quel est le rôle d’un organisme régulateur comme The Copper Mark dans cette chaîne de valeur ?
Mike Smith, Director of the Value Chain chez The Copper Mark : The Copper Mark est la principale norme mondiale de production responsable pour l’industrie du cuivre. Notre standard repose sur 33 critères clés couvrant un large éventail de risques environnementaux, sociaux et de gouvernance. Les entreprises doivent démontrer qu’elles répondent à chacun de ces critères avant d’obtenir la certification Copper Mark. Ces critères s’appuient sur des accords internationaux, comme les lignes directrices de l’OCDE sur la diligence raisonnable, les conventions de l’OIT, ou encore les protocoles de l’ONU sur le changement climatique. Un aspect important est la praticité de la norme : elle doit pouvoir être mise en œuvre concrètement pour générer un changement réel dans l’industrie.
Comment renforcer la collaboration, la transparence et construire une chaîne de valeur circulaire et résiliente ?
David Grall : On représente souvent la chaîne de valeur comme une flèche linéaire, mais notre objectif est de la rendre circulaire. Pour renforcer la collaboration, il faut comprendre les pain points de la chaîne de valeur et co-créer. Si je ne comprends pas les besoins de mes clients, je ne peux pas collaborer efficacement avec mes fournisseurs — et cela impacte mes propres opérations.
Isabelle Hoepfner-Léger : L’alignement est essentiel, tout comme les actions concrètes. Il faut commencer localement et rester humble. Notre rôle est aussi de convaincre et d’éduquer sur la valeur de ce que nous avons construit ensemble en matière d’approvisionnement responsable et de durabilité. Par exemple, grâce à notre partenariat avec Nexans et au programme Cableloop, nous récupérons les chutes de câbles provenant de nos entrepôts — une action concrète qui soutient la circularité et répond aux attentes de nos clients installateurs. Car au final, c’est ainsi que nous impliquerons le client final dans toute la chaîne de valeur.
L’extraction minière est très énergivore. Quels leviers permettent de réduire son empreinte carbone tout en restant compétitif ?
Daniel Hojniak : Nous avons identifié deux leviers principaux : premièrement l’efficacité, en améliorant continuellement nos processus grâce à de nouvelles technologies et normes ; ensuite la décarbonation, via la construction de nos propres sources d’énergie renouvelable, l’exploration de solutions à hydrogène et le remplacement progressif des véhicules par des modèles électriques. Bien sûr, ces actions nécessitent des investissements importants, mais à long terme, elles permettront d’assurer notre autonomie énergétique, de réduire notre dépendance au réseau national et de baisser nos coûts liés aux émissions.
Au-delà de la conformité, comment encourager les entreprises à progresser continuellement sur les droits humains ou le climat ?
Mike Smith : The Copper Mark est un standard vivant. Pour chaque site certifié, un cycle d’audit de trois ans est mis en place. Ainsi, tous les trois ans, un site disposant du Copper Mark — par exemple les sites métallurgiques de Nexans à Montréal (Canada) et à Lens (France) — devra être réévalué par rapport à ces standards. Cela garantit une amélioration continue au fil du temps — un principe inscrit dans le cœur même de notre norme et de nos processus.