Jumeaux numériques  : quand les solutions optimales naissent de la complexité
Transformation digitale
14 mars 2024
5 min
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Les réseaux modernes de transport et de distribution électrique sont les machines les plus complexes jamais créées. Ils s’étendent sur des continents entiers, et rassemblent des myriades de composants et de sous-systèmes pour maintenir le délicat équilibre entre la demande et la production fluctuantes d’énergie.

Au-delà de leur complexité intrinsèque, les réseaux sont devenus prodigieux par le nombre de leurs composants et par leur extension géographique. Le monde compte aujourd’hui plus d’un milliard de compteurs intelligents en fonctionnement, et plus de 80 millions de kilomètres de câbles et de lignes électriques — soit l’équivalent de dix allers-retours entre la Terre et la lune !

Et cette complexité ne fera que s’accroître à l’avenir. Dans un rapport récemment publié, Transitions des réseaux électriques et de la sécurité énergétique (Electricity Grids and Secure Energy Transitions), l’AIE estime qu’il faudra rénover ou ajouter 80 millions de kilomètres de réseaux dans le monde d’ici à 2040 pour atteindre les objectifs climatiques et assurer la sécurité énergétique.

Afin de maîtriser un tel degré de complexité et des échelles si étourdissantes, les gestionnaires de réseau se tournent désormais vers les jumeaux numériques. Utilisés depuis plusieurs décennies dans de nombreux secteurs d’activité, les jumeaux numériques s’imposent chaque jour davantage pour assister les gestionnaires de réseau dans leurs décisions de planification stratégique, dans l’optimisation de la performance opérationnelle, et dans la gestion des risques au sein de systèmes d’une sophistication sans précédent.

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3 facteurs de complexité des réseaux :

  • Tandis que le monde se détourne des énergies fossiles au profit des énergies renouvelables, les réseaux doivent être mieux équipés pour gérer la variabilité des productions éolienne, photovoltaïque et hydroélectrique.
  • La fréquence croissante des aléas dus au changement climatique fait peser un fardeau supplémentaire sur des infrastructures électriques vieillissantes au niveau mondial.
  • 40 GW de toitures photovoltaïques ont été installés dans le monde en 2022. Cette injection dans les réseaux d’une énergie solaire massive, floue et intermittente soulève d’importantes difficultés en matière de qualité de courant et de prévisions de production.

Les gestionnaires de réseaux relèvent ces défis en mobilisant des outils numériques pour améliorer la gestion opérationnelle des infrastructures. En particulier, les compteurs intelligents et les capteurs IdO (Internet des Objets) leur fournissent des données précieuses ; mais ces équipements impliquent aussi un degré supplémentaire de sophistication.

Jumeaux numériques : De la connaissance à la compréhension du réseau

Dans ce contexte de complexité croissante et de volumes colossaux de données recueillies en temps réel, les jumeaux numériques sont devenus essentiels pour l’exploitation des réseaux intelligents. Ils sont mobilisés pour :

  • Effectuer des simulations hypothétiques, afin par exemple de mieux appréhender les conséquences opérationnelles de différentes décisions ;
  • Gérer et anticiper les besoins de maintenance ;
  • Prévenir ou atténuer les pannes de réseau ;
  • Aider les gestionnaires à dresser des programmes d’investissement d’infrastructures étayés par des données.

Toute la puissance des jumeaux numériques réside dans leur capacité à reproduire virtuellement les innombrables interactions et corrélations entre des organisations multiples, à différentes échelles, et de les synthétiser dans une vision globale afin de décloisonner les prises de décision. Les équipes chargées de l’ingénierie, de la planification ou de l’exploitation d’un réseau peuvent ainsi simuler de multiples options d’intervention, et en visualiser les conséquences pour l’ensemble de l’organisation. Dès lors, leurs décisions ne s’appuient plus simplement sur leur propre expérience ou sur les comportements passés du système : elles sont pondérées en intégrant toutes leurs incidences, les résultats attendus et les arbitrages nécessaires.

Les jumeaux numériques révolutionnent la gestion des réseaux, comme en témoigne l’ambitieux projet de bâtir un jumeau numérique du réseau électrique européen. En accélérant l’innovation technologique, cette initiative cherche à renforcer l’adaptabilité du réseau face à l’essor annoncé des énergies renouvelables, et à le rendre plus résilient à des chocs tels que les aléas climatiques ou les cyberattaques.

6 domaines de rupture pour les jumeaux numériques

Aux yeux des gestionnaires de réseau, la mise en œuvre conjointe de capteurs connectés à l’IdO et de jumeaux numériques s’avère particulièrement bénéfique dans six domaines d’activité.

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Les solutions Nexans : outils d’IA pour l’analyse de données et simulations par jumeaux numériques

Les jumeaux numériques offrent aux gestionnaires une meilleure visibilité et une plus grande transparence des réseaux, ainsi que des capacités prédictives et des aides à la prise de décision. Ce sont autant d’apports bienvenus pour manœuvrer la complexité des systèmes énergétiques d’aujourd’hui.

Nexans contribue activement à la modernisation des réseaux, dont les jumeaux numériques sont une composante importante, en mettant en avant deux de ses solutions innovantes : Adaptix.Grid et Asset Electrical.

Adaptix.Grid, l’outil d’IA pour l’analyse de données développé par notre partenaire Sensewaves, propose aux gestionnaires une modélisation informatique complète, détaillée et calculable de leur réseau qui présente la topologie fine des infrastructures, y compris à des niveaux de tension faibles. Cet outil permet de réduire les délais d’intervention des équipes de terrain en cas de panne, et de visualiser précisément les zones de congestion afin de rééquilibrer le réseau en conséquence.

Asset Electrical est un jumeau numérique de simulation mis au point par Nexans, en partenariat avec CosmoTech. Il donne aux propriétaires d’infrastructures la possibilité de simuler leurs politiques de maintenance et renouvellement d’actifs, et d’en déterminer les effets sur la qualité de service ou sur les indicateurs financiers de leur entreprise.

Asset Electrical permet aux gestionnaires d’actifs stratégiques d’effectuer des simulations basées sur des données objectives. Par exemple, afin de déterminer si le report de la dépense d’équipement peut justifier de différer le remplacement d’une famille d’actifs en fin de vie théorique, eu égard aux risques accrus d’incidents de réseau ou de dégradations environnementales.

Les jumeaux numériques amènent une profonde mutation dans la gestion des réseaux électriques. En facilitant toutes les tâches de gestion et les missions opérationnelles des gestionnaires de réseau, ils donnent naissance à des infrastructures plus fiables, plus résilientes, plus efficaces et plus durables. Ils placent le secteur de l’énergie aux avant-postes de la transition vers une électricité propre et décarbonée.

Olivier Pinto

Auteur

Olivier Pinto est Directeur de l’Innovation chez Nexans, responsable des services et des solutions numériques pour les réseaux électriques. Il dirige une équipe d’experts en réseaux développant un portefeuille d’offres innovantes conçues pour résoudre les problèmes et relever les défis auxquels sont confrontés les opérateurs de réseaux électriques, en s’appuyant sur un solide écosystème de partenaires technologiques. Olivier a rejoint Nexans en 2001 et a occupé divers postes en R&D, opérations, ventes et marketing. Il est titulaire d’un Master en Sciences de l’École de Chimie, Physique et Électronique de Lyon, France.

Technologies de stockage de l’énergie : adapter les réseaux à l’électricité décarbonée
Électrification de demain
16 janvier 2024
6 min
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Les énergies renouvelables sont le point de mire de la sortie des énergies fossiles et de la réduction des émissions massives de CO2 qui leur sont associées ; elles sont à ce titre une composante essentielle de notre avenir énergétique. Tandis qu’une course contre la montre est engagée dans la lutte contre le changement climatique, la décarbonation de l’électricité s’impose comme une démarche prioritaire.

La transition à grande échelle vers les énergies renouvelables est intrinsèquement liée aux technologies de stockage de l’énergie, véritable clé de voûte des énergies propres et socle incontournable de la décarbonation des réseaux. Les énergies renouvelables — essentiellement éolienne et photovoltaïque — étant intermittentes par nature, leur intégration exige la mise en œuvre de systèmes de stockage d’énergie afin d’ajuster en permanence l’offre et la demande d’électricité. Le stockage revêt donc une importance critique pour la résilience et la fiabilité des réseaux.

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Selon les dernières prévisions de l’institut de recherche BloombergNEF, l’ensemble des installations de stockage d’énergie dans le monde devrait atteindre une capacité cumulée de 411 gigawatts (GW) à l’horizon 2030, soit quinze fois plus qu’en 2021.

Parmi les nombreux facteurs qui favorisent la montée en puissance du stockage d’énergie, on peut également citer les politiques publiques qui visent à maîtriser les prix de l’énergie, à satisfaire les pics de demande ou encore à assurer une souveraineté énergétique. À titre d’exemple, la loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act, ou IRA) promulguée en 2022 marque le plus grand effort d’investissement jamais engagé par les États-Unis dans la lutte contre le changement climatique.

Relever le défi d’une adoption massive des technologies de stockage à l’échelle des réseaux

Le secteur est aujourd’hui entravé par la faible diffusion de technologies de stockage adaptées à l’échelle des réseaux. La solution la plus viable demeure le pompage-turbinage, dans lequel de l’eau est d’abord pompée vers un réservoir situé en altitude, puis relâchée en temps utile pour produire de l’électricité. Mais cette technologie est malheureusement limitée à des localisations très spécifiques, et les gestionnaires de réseau doivent habituellement recourir à des énergies fossiles pour répondre aux pics de demande.

Les progrès réalisés ces dernières années par les technologies de stockage sont cependant prometteurs, et permettent d’envisager une gestion des fluctuations de demande d’énergie qui ne fasse plus appel aux énergies fossiles. En offrant aux gestionnaires de réseau la possibilité de stocker les excédents d’énergies renouvelables, elles facilitent l’ajustement en temps réel de l’offre et de la demande et atténuent les effets de pointe.

 

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Cinq technologies de stockage de renouvelables pour une fourniture d’électricité fiable

Tandis que les réseaux électriques intègrent une part croissante d’énergies renouvelables variables, les systèmes de stockage doivent également assurer une fourniture d’électricité d’une grande fiabilité. Ces technologies sont fréquemment caractérisées selon leur capacité de stockage, leur réactivité, leur échelle de déploiement et leurs contraintes d’exploitation.

Le stockage par batteries : une sécurité améliorée et des coûts maîtrisés

Le stockage par batteries s’est imposé pour les applications solaires et éoliennes grâce à sa souplesse d’installation et à son faible coût. Depuis quelques années, les traditionnelles batteries lithium-ion sont supplantées par des technologies nouvelles, toujours plus sûres et économiques : les batteries au zinc, par exemple, présentent une alternative robuste et se distinguent par une plus grande capacité de stockage stationnaire, une inflammabilité moindre, et une meilleure puissance spécifique.

 Le stockage thermique : une solution viable pour les bâtiments à usage commercial

La nouvelle génération de technologies de stockage thermique offre une solution parfaitement adaptée aux bâtiments commerciaux. Trois procédés distincts permettent de conserver la chaleur ou le froid pour une utilisation ultérieure : le stockage par chaleur sensible, par chaleur latente ou thermochimique. Les bâtiments équipés de ces systèmes fonctionnent de fait comme des batteries thermiques, accumulant une énergie renouvelable dans des cuves ou des réservoirs avant de la restituer au moment voulu.

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Le stockage par hydrogène : l’électrolyse au service d’une énergie stable et décarbonée

Le stockage par hydrogène est un outil idéal de décarbonation, et de réduction de la dépendance aux centrales thermiques pour ajuster l’offre et la demande d’énergie. L’hydrogène pouvant conserver des quantités importantes d’énergie, il est particulièrement intéressant pour les réseaux qui intègrent une forte part d’énergies variables telles que l’éolien ou le photovoltaïque : les excédents d’énergies renouvelables sont convertis par électrolyse en hydrogène, qui est ensuite stocké dans des piles à combustible afin de fournir une énergie stable, fiable et décarbonée.

Le stockage électromagnétique : une restitution efficace et instantanée de l’énergie

Le procédé de stockage électromagnétique (Superconducting Magnetic Energy Storage ou SMES) conserve l’énergie au sein d’un champ magnétique. Par sa capacité à restituer l’énergie emmagasinée de manière instantanée, il est particulièrement adapté pour équiper les réseaux qui nécessitent un temps de réaction rapide, et de surcroît les pertes d’énergie du dispositif sont négligeables. Plusieurs prototypes sont actuellement en service, essentiellement dans le cadre de programmes de recherche, mais l’application à grande échelle de ce principe de stockage suscite un grand intérêt et pourrait constituer une solution peu coûteuse.

L’énergie mécanique et le pompage-turbinage : assurer la fiabilité du réseau à grande échelle

Le stockage sous forme d’énergie mécanique recouvre un large éventail de technologies, dont le pompage-turbinage (ou STEP, Station de Transfert d’Énergie par Pompage), les volants d’inertie, le stockage par air comprimé (Compressed Air Energy Storage ou CAES), ou encore le stockage à air liquide (Liquid Air Energy Storage ou LAES).

Le pompage-turbinage est considéré comme la forme idéale de stockage propre pour les réseaux électriques intégrant des énergies éolienne et photovoltaïque ; en conséquence, cette technologie est couramment privilégiée pour les mises en œuvre à grande échelle. Les STEP absorbent les productions d’énergie excédentaires, et les restituent lors des pointes de consommation pour assurer la fiabilité systémique des réseaux. Selon les estimations de l’International Hydropower Association (IHA), les installations de pompage-turbinage cumulent près de 9000 gigawatts-heures (GWh) d’électricité stockée dans le monde, soit plus de 94 % de la capacité totale de stockage d’énergie.

Quel avenir pour le stockage de l’énergie ?

L’arrivée à maturité des besoins s’accompagne d’évolutions rapides dans le développement de nouveaux matériaux, et dans la production de batteries de stockage destinées aux surplus de production d’énergies renouvelables. De nos jours, l’électronique de puissance réalise une conversion efficace de l’énergie stockée en électricité dans des dispositifs à empreinte carbone faible, voire nulle.

Nexans contribue de plusieurs manières à la transition énergétique, dont le stockage de l’électricité est un élément clé, à commencer par la fourniture de réseaux de transmission et de distribution pour la collecte à la source des énergies renouvelables. Il est crucial de récupérer l’électricité là où elle est produite (par exemple, dans les parcs éoliens offshore) à un coût maîtrisé. L’intégration des sites de stockage repose sur la même capacité de connexion, qu’elle soit à grande échelle ou plus largement répartie sur un territoire.

Pour que les réseaux intelligents puissent intégrer pleinement les énergies renouvelables variables, ils devront se doter d’outils toujours plus performants de suivi de la consommation en temps réel, ainsi que de systèmes automatisés d’ajustement de l’offre et de la demande. Face aux besoins grandissant en termes de flexibilité, Nexans a développé de nouveaux services.

Pour les applications de mobilité électrique, fortement dépendantes des performances techniques et économiques du stockage d’électricité, Nexans fournit des connexions et des protections de câbles adaptées, ainsi que pour les bornes de recharge des véhicules électriques, à l’aide de fonctionnalités de sécurité spécifiques pour assurer un stockage d’énergie en toute sécurité.

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Nexans a également acquis une expertise et un leadership mondial en matière de sécurité électrique et incendie, qui peuvent être étendus aux nouvelles applications en termes de stockage, comme les batteries de véhicules.

Le Groupe innove depuis de nombreuses années dans les systèmes industriels cryogéniques et supraconducteurs, notamment avec le développement d’un système de transfert cryogénique de gaz naturel et d’hydrogène liquides. L’hydrogène liquide étant appelé à jouer un rôle clé dans le stockage, Nexans continuera à innover avec des technologies de rupture pour concevoir le réseau électrique de demain.

La transition vers des énergies propres et une électricité décarbonée est intimement liée aux avancées technologiques en matière de stockage. En débouchant à l’avenir sur des applications à grande échelle, celles-ci libéreront tout le potentiel des réseaux intelligents.

Diversifier et renforcer la chaîne d’approvisionnement des nouveaux équipements en vue d’un déploiement massif constitue un enjeu majeur, notamment au regard de l’accès aux matières premières dans un contexte géopolitique tendu. Innover en recyclant les matériaux utilisés dans les produits en fin de vie est déjà un levier clé, pour lequel Nexans s’est particulièrement bien préparé et positionné.

Frederic Lesur

Auteur

Frédéric Lesur, ingénieur senior systèmes câbles haute tension et réseaux d’énergie chez Nexans, s’appuie sur plus de 25 années d’expérience ainsi que divers postes antérieurs dans la R&D chez des fabricants de câbles et opérateurs de réseaux.

En 2021, il devient responsable du Grid Engineering Design Lab, aidant les clients du Groupe à optimiser l’architecture de câblage des projets commerciaux de parcs d’énergie renouvelable.

Passionné de vulgarisation scientifique, il anime la chaîne YouTube WHAT’s WATT de Nexans.

Frédéric a toujours été un membre actif d’instances de normalisation et de groupes de travail. Auteur d’une cinquantaine de publications, il intervient lors de conférences et d’ateliers majeurs dans le domaine des réseaux d’énergie.

Numérisation et flexibilité du réseau, des vecteurs clés de la transition vers une énergie propre
Transformation digitale
13 novembre 2023
6 min
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La souplesse des réseaux électriques est un paramètre de plus en plus critique à mesure que la part des énergies renouvelables intermittentes s’accroît dans la production mondiale. D’après le Centre commun de recherche de la Commission européenne, cette marge de flexibilité des réseaux devra encore être multipliée par deux d’ici à 2030, et par sept à l’horizon 2050.

La numérisation du réseau et la gestion de sa flexibilité sont deux clés de voûte de la transition en cours vers une énergie propre. Ces dernières années, l’investissement dédié à la numérisation a sensiblement augmenté pour passer de 12 % de l’investissement total dans les réseaux en 2016 à 20 % en 2022. Cette hausse témoigne du vif intérêt des opérateurs pour des solutions numériques de veille et de contrôle en temps réel susceptibles d’améliorer la gestion des réseaux de transport et de distribution électriques.

La croissance prévue de l’électrification ne pourra être assimilée sans une profonde modernisation des infrastructures. La réorientation de la production au détriment des énergies fossiles implique que les réseaux existants prennent en charge des volumes considérables d’énergies renouvelables, ce qui impose de véritables défis techniques.

Centrales électriques virtuelles : un moment charnière pour la production énergétique

Une nouvelle génération de Ressources électriques distribuées (Distributed Energy Resources  ou DER) prend aujourd’hui son essor pour répondre à la demande croissante d’énergies propres et renouvelables. 

Les technologies des batteries de stockage, des véhicules électriques et de la production photovoltaïque affichent des progrès remarquables, encourageant les gestionnaires de réseaux dans leur volonté de développer les énergies renouvelables. Dans ce contexte, les centrales électriques virtuelles (Virtual Power Plants ou VPP) font valoir leurs atouts pour satisfaire la croissance de la demande énergétique tout en améliorant la résilience des réseaux électriques.

Les VPP sont à la fois des plateformes techniques et des nœuds transactionnels. Capables de coordonner un grand nombre et une grande variété de ressources, et de les mobiliser en une poignée de secondes pour répondre à une instruction à l’échelle du mégawatt, elles offrent aux gestionnaires de réseaux un formidable outil de gestion de la complexité. Au-delà des aspects techniques, les VPP prennent en charge les flux transactionnels et rémunèrent chaque ressource à hauteur de sa contribution, en prenant en compte les prix de l’énergie au moment de celle-ci ainsi que les versements effectués par les gestionnaires des réseaux de transport et de distribution. Cette consolidation des transactions constitue une valeur ajoutée importante pour les propriétaires des DER.

Les DER sont en quelque sorte les éléments constitutifs des VPP, qui peuvent puiser dans ces ressources pour fournir de l’énergie à tout instant. Ainsi les VPP peuvent ajuster rapidement la production et la demande, ce qui minimise les risques de délestage et réduit la facture pour l’utilisateur final. Ces dernières années, de nombreuses VPP ont été intégrées dans des projets immobiliers résidentiels ou commerciaux, car la perspective d’une électricité fiable à des tarifs raisonnables est un argument de vente séduisant. Il est également possible de rejoindre une VPP en tant que consommateur : l’année dernière, Tesla a lancé au Texas un nouveau service de fourniture d’énergie qui permet aux propriétaires de batteries Powerwall de revendre leurs excédents au réseau.

DER : un changement de paradigme pour la distribution électrique

Parallèlement à la montée en puissance des DER, les réseaux de distribution connaissent une transformation profonde qui fait émerger de nouvelles couches de gestion et de contrôle. Le Système avancé de gestion de la distribution (Advanced Distribution Management System, ou ADMS) est un élément essentiel de toute salle de contrôle moderne : il intègre la numérisation des flux observables, la détection, l’isolation et la réparation des défaillances, la reconfiguration du réseau et les systèmes de gestion des coupures de courant.

Mais c’est au niveau des installations basse tension que le réseau de distribution est confronté à ses plus grands défis, car leur gestion exige une observabilité plus fine et une certaine souplesse de la part des DER. C’est ici que les Systèmes de gestion des ressources énergétiques distribuées (Distributed Energy Resources Management System ou DERMS) sont associés aux ADMS afin d’orchestrer la flexibilité des DER, et leur régulation en fonction des besoins du réseau basse tension.

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Numérisation du réseau électrique : les jalons du parcours

La modernisation et la numérisation des réseaux de demain tracent un long parcours, dont nous pouvons souligner ici quelques étapes importantes.

La première consiste à comprendre la topologie du réseau et les plateformes ADMS et DERMS, afin de déterminer si tout le potentiel du réseau est effectivement exploité.

Ensuite, il faut se pencher sur l’observabilité du réseau au niveau basse tension. Les systèmes de contrôle et d’acquisition de données (Supervisory Control And Data Acquisition ou SCADA) couvrent essentiellement la moyenne tension, et le niveau d’investissement dans la gestion et le contrôle des basses tensions reste souvent trop faible. Mais ces obstacles peuvent être surmontés en mobilisant les données issues des compteurs intelligents ou d’autres dispositifs de contrôle, pour les associer aux capacités des ADMS et des DERMS.

Troisièmement, il est essentiel d’assurer l’interopérabilité et à la cybersécurité des VPP, des ADMS et des DERMS. L’interopérabilité est indispensable pour assurer une interaction fluide entre ces différents systèmes ; la cybersécurité prendra une importance de plus en plus critique à mesure que se multiplient les connexions entre réseaux et opérateurs externes.

Enfin, il faut veiller à ce que les équipements du réseau, et en particulier les systèmes câblés, soient dimensionnés avec une certaine tolérance aux variations : l’allocation optimisée des ressources conditionne les expansions futures du réseau.

Pour remédier aux défauts d’observabilité du réseau, Nexans travaille en partenariat avec Sensewaves à l’élaboration d’une topologie réseau calculable pour les GRD. Le logiciel analytique de Sensewaves recourt à l’Intelligence Artificielle (IA) pour analyser les données issues de compteurs intelligents ou d’autres dispositifs, afin d’améliorer la planification et la fiabilité des actifs. Cette association sans équivalent de l’IA et de l’analyse de données offre aux GRD un degré de compréhension systémique qui va bien au-delà de la gestion de l’exploitation proposée par les plateformes ADMS et DERMS.

La modernisation des réseaux électriques s’impose comme une adaptation inéluctable à la croissance prévue de l’électrification. Le recul des énergies fossiles dans la production d’électricité exige que les réseaux s’ouvrent aux interconnexions avec les énergies renouvelables ; de ce fait, les technologies émergentes dans les domaines de la distribution, du transport et de la gestion des énergies propres sont incontournables dans nos efforts de réduction des émissions de carbone.

Anne-Soizic Ranchere

Auteur

Anne-Soizic Ranchère est en charge du Marketing for Power Accessories and Grid Design Lab chez Nexans.

Elle possède 16 ans d’expérience dans le secteur électrique, en analyse stratégique, innovation produit et valorisation de projets. Elle a travaillé chez ENGIE en Belgique en tant qu’analyste senior, gérant la valorisation de projets d’investissement dans les infrastructures de production d’électricité.

Elle possède une vaste expérience dans le domaine des réseaux intelligents et des services énergétiques, ayant occupé des postes de direction en marketing, opérations et innovation au sein d’une entreprise leader dans le domaine de la flexibilité électrique en Europe, au Moyen-Orient et en Asie, ainsi qu’à Singapour en tant que directrice au sein de l’institut de recherche en énergie et dans un cabinet de conseil.

Anne-Soizic est titulaire du Master Science and Executive Engineering de Mines ParisTech.

5 technologies de détection pour optimiser la gestion des données réseau
Transformation digitale
29 novembre 2023
8 min
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Dans un contexte de transition mondiale vers les énergies renouvelables et de demande croissante pour une électricité décarbonée, l’inéluctable transformation des réseaux nécessite plus que jamais le concours de l’intelligence numérique.

Les capteurs revêtent ici une importance cruciale. Ils sont « les yeux et les oreilles » du réseau électrique moderne : les données qu’ils recueillent sont indispensables à une gestion fiable, efficace et adaptable des réseaux de demain.

Cinq technologies notables de capteurs de données révolutionnent aujourd’hui les réseaux électriques.

1. Les compteurs intelligents : pour une mesure efficace de l’énergie

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Les compteurs intelligents sont rapidement devenus une solution préférentielle pour mesurer efficacement les flux d’énergie. Au cours de la dernière décennie, ils ont remplacé la quasi-totalité du parc de compteurs traditionnels et révolutionné le rapport des opérateurs et des consommateurs aux ressources énergétiques. Selon l’Agence internationale de l’énergie, plus d’un milliard de compteurs intelligents sont installés dans le monde, et leur nombre a été multiplié par dix depuis 2010.

Grâce à ces nouveaux compteurs, les consommateurs bénéficient d’un suivi détaillé de leur consommation, et les fournisseurs d’électricité sont mieux à même d’analyser les profils d’utilisation et d’anticiper les besoins futurs. Le réseau devient donc plus fiable, plus efficace et plus résilient.

Il existe trois types de compteurs intelligents, qui présentent des fonctionnalités distinctes :

  • Outre qu’ils mesurent avec précision les consommations électriques, les compteurs intelligents les plus simples sont équipés pour la télémétrie et éliminent le recours aux relevés manuels. Grâce à leur prise en charge des tarifications dynamiques, les consommateurs peuvent faire des économies en reportant certaines consommations sur les heures creuses.
  • Les compteurs intelligents intermédiaires comportent des fonctions de communication bidirectionnelle entre consommateurs et gestionnaires réseau. Ils sont capables d’établir des courbes de charge, et de transmettre des données détaillées d’une grande utilité pour une gestion et une exploitation optimale du réseau. Certains modèles peuvent détecter les coupures de courant et alerter les opérateurs afin de minimiser les délais d’intervention. Il existe également des mécanismes de détection et de signalement des manipulations, qui prémunissent les opérateurs contre les fraudes et leur évitent des pertes non techniques potentiellement importantes.
  • Les compteurs intelligents avancés prennent en charge des programmes de réponse à la demande, grâce auxquels les gestionnaires de réseau contrôlent et ajustent la demande électrique à distance pendant les pics de consommation. D’usage devenu courant, les dispositifs embarqués de contrôle de la qualité de l’énergie simplifient la détection des variations ou des creux d’intensité. Enfin, ces compteurs sont dotés de capacités de diagnostic de santé et de performance des réseaux de distribution qui peuvent identifier certains dysfonctionnements des installations à basse tension, tels que les arcs électriques ou les courts-circuits, facilitant les mesures de maintenance préventive.

2. Les capteurs de courant pour câbles simples et multiconducteurs

Pour satisfaire les objectifs ambitieux de neutralité carbone, et pour mitiger la hausse et la volatilité des prix de l’électricité, les réseaux doivent impérativement minimiser les déperditions inutiles d’énergie.

D’après Sarah Marie Jordaan, maître de conférences en Énergie, ressources et environnement à l’Université Johns Hopkins, une plus grande efficacité des réseaux à l’échelle mondiale pourrait réduire de 500 millions de tonnes nos émissions de CO2 — soit plus de 1 % des émissions annuelles dans le monde. Mais pour citer le physicien britannique William Thomson, mieux connu sous le nom de Lord Kelvin, « Si vous ne pouvez pas le mesurer, vous ne pouvez pas l’améliorer ».

Des innovations comme les capteurs de courant pour câbles simples et multiconducteurs changent la donne pour les gestionnaires de processus et d’équipements. Ces dispositifs éprouvés peuvent être directement positionnés autour des conducteurs et des feeders, sans interruption du circuit à mesurer. Ils permettent ainsi de mener rapidement des audits sélectifs, et d’élaborer des stratégies concrètes de réduction des consommations pour réaliser jusqu’à 20 % d’économies d’énergie.

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3. La récolte d’énergie : puiser de faibles quantités dans l’environnement

La mise en œuvre de capteurs sur des sites isolés ou d’accès difficile peut s’avérer problématique, notamment du fait de la gestion peu durable des batteries et des coûts d’exploitation associés.

Alors que l’Internet des Objets devrait compter 25 milliards d’appareils en 2025, la récolte d’énergie émerge comme une technologie cruciale pour la diffusion de capteurs durables et de solutions connectées.

Le concept de récolte d’énergie repose sur le captage et la conversion de petites quantités d’énergie disponibles dans l’environnement immédiat d’un dispositif, ou dans des sources électriques proches telles que des câbles. La méthode la plus répandue mobilise l’effet photovoltaïque, qui produit de l’électricité à partir de la lumière. Peu coûteuse et aisément adaptable aux applications d’éclairage intérieur, elle répond parfaitement aux besoins des solutions IdO.

L’induction est une autre technologie de récolte d’énergie, fréquemment employée pour les systèmes câblés. Elle assure un fonctionnement autonome des appareils en utilisant l’énergie des câbles ou de leurs terminaisons. Cette approche intéressante du point de vue écologique simplifie la maintenance des capteurs, et prolonge la durée de vie des systèmes.

Avec les dernières avancées de l’électronique embarquée, notamment des processeurs et de la connectivité sans fil basse consommation, ces systèmes ont gagné en efficacité et fermement établi la récolte d’énergie comme une source fiable d’alimentation électrique.

4. L’Edge-to-cloud : une révolution dans les pratiques de maintenance

L’intégration Edge-to-cloud ouvre une nouvelle ère pour la maintenance avec des pratiques plus intelligentes et plus efficaces, tout particulièrement dans le domaine des réseaux électriques.

Entre autres innovations matérielles, les circuits FPGA avancés peuvent être placés à des points stratégiques du réseau électrique pour recueillir des données en temps réel sur l’état du système de câbles. Ils effectuent des relevés de paramètres tels que la charge, la température, l’humidité, les vibrations ou encore les transitoires électromagnétiques ; mais surtout, ces informations brutes sont caractérisées et modélisées à la volée, en périphérie (Edge) du système informatique. Cette fonctionnalité améliore significativement la qualité et la pertinence des données transmises au cloud pour analyse approfondie et stockage.

Associée à des processus d’apprentissage supervisé, l’intelligence artificielle en périphérie du réseau facilite le filtrage des données brutes, notamment le débruitage et la détection précoce d’altérations des conditions de fonctionnement.

Les données sont ensuite communiquées à une application de maintenance hébergée sur site ou sur le cloud, comme la plateforme Nexans de gestion des actifs conçue pour informer les décisions des opérateurs réseau et de leurs équipes de maintenance. La fluidité de l’interface entre l’edge et le cloud facilite ici l’élaboration de stratégies de maintenance prédictives basées sur l’état physique du réseau. Cette technologie puissante permet l’identification des premiers signaux de défaillance des équipements, l’optimisation des programmes de maintenance et la minimisation des temps d’arrêt financièrement préjudiciables.

Les technologies edge-to-cloud catalysent aujourd’hui l’évolution de la maintenance réseau vers une approche proactive et centrée sur les données ; elles sous-tendent la robustesse et la sécurité du réseau, la maîtrise des coûts, et le fonctionnement ininterrompu des réseaux électriques.

5. La fibre optique : minimiser les perturbations de service

Lorsque les techniques traditionnelles s’avèrent impraticables ou trop chères, la fibre optique peut être mise en œuvre comme solution d’acquisition de données à distance ou comme réseau de capteurs distribués.

Par comparaison aux capteurs ponctuels, les technologies de détection par fibre optique proposent aux opérateurs réseau une méthode plus précise et plus économique d’acquisition de données.

Les capteurs à fibre optique distribués mesurent en continu l’activité de l’ensemble du réseau électrique, permettant aux opérateurs de localiser rapidement les perturbations réelles ou potentielles et donc de minimiser, voire de prévenir de coûteuses coupures de courant.

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Très sensibles aux variations de température et de contraintes mécaniques, les fibres optiques se prêtent à toutes les applications de détection distribuée :

  • La Détection de température distribuée (Distributed Temperature Sensing ou DTS) concerne la détection précoce d’anomalies telles que les points chauds ou les goulets d’étranglement thermiques dus à des modifications de l’environnement des câbles. Associée à un algorithme de contrôle thermique, la DTS permet d’évaluer l’état des câbles et l’intensité maximale admissible, et donc de déterminer les plages d’utilisation compatibles avec une exploitation sûre du réseau.
  • La Détection acoustique distribuée (Distributed Acoustic Sensing ou DAS) porte sur la détection et la localisation précise des anomalies, mais aussi des interférences de tiers, que celles-ci aient lieu à terre (vols de câbles, fouilles, forages…) ou en mer (lâchers ou dérives d’ancres). Cette écoute permanente des signatures acoustiques est une méthode efficace de contrôle de l’état des câbles.
  • La Détection de contraintes distribuée (Distributed Strain Sensing ou DSS) mesure en continu les contraintes mécaniques et les déformations sur toute la longueur du câble. Ceci permet d’évaluer l’état structurel du câble et de s’assurer que celui-ci n’est pas soumis à des contraintes trop importantes (telles que des coudes ou des étirements).

Depuis le début des années 90, Nexans est un pionnier des technologies de détection et de mesure distribuées pour les câbles à haute tension. Notre parcours dans ce domaine a débuté par l’installation du système de détection des températures distribuée (DTS) pour la liaison Skagerrak 3 entre le Danemark et la Norvège ; depuis lors, ces technologies n’ont jamais cessé d’évoluer et de repousser les limites de distance, de précision, d’efficacité et de réduction des coûts.

Avec l’irruption de technologies novatrices, les capteurs jouent un rôle de premier plan dans la révolution des réseaux électriques intelligents. Nous disposons grâce à eux des données indispensables pour assurer la fiabilité, l’efficacité et l’adaptabilité des réseaux électriques de demain.

Aymeric André

Auteurs

Aymeric André occupe le poste de New Solutions Manager chez Nexans au sein du département Sales & Marketing du Business Group Generation & Transmission.

En 2019, il a rejoint l’équipe Services and solutions de Nexans au sein du département Innovation et Développment en tant que responsable du Design Lab pour la surveillance des actifs afin de contribuer à l’amélioration des offres digitales de l’entreprise.

Auparavant, il a travaillé à l’Institut SuperGrid où il a dirigé un programme de recherche sur les technologies sous-marines à haute tension.

Samuel Griot

Samuel Griot est responsable du département ingénierie électrique au sein du service Innovation et Croissance.

Il dirige une équipe d’experts développant de nouvelles solutions innovantes pour les applications basse, moyenne et haute tension afin de répondre aux besoins futurs des réseaux électriques. Samuel a rejoint Nexans en 2021 et possède une solide expérience en architecture de réseaux électriques et en appareillage de commutation.

Il est titulaire d’un Master en génie électrique de l’INSA de Lyon, France.