Sous les mers, la supraconductivité révolutionne la transmission d’énergie
Énergies renouvelables
07 octobre 2025
9 min
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Réseaux électriques : le futur sous haute tension 

L’électricité s’impose de plus en plus comme la voie la plus crédible pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, gagner en efficacité et renforcer la sécurité énergétique. Pour atteindre les objectifs nationaux en matière d’énergie et de climat, sa consommation mondiale devra croître de 20 % plus vite au cours de la prochaine décennie qu’au cours de la précédente. Mais les réseaux actuels peinent déjà à suivre le rythme.

La demande d’électricité s’envole, portée par les véhicules électriques, les pompes à chaleur et l’essor des services numériques. Dans le même temps, les énergies renouvelables éolien et solaire en tête – se développent à un rythme inédit, mais souvent loin des grands centres de consommation. Cette dynamique fait émerger un défi majeur : acheminer beaucoup plus d’électricité verte, beaucoup plus loin, beaucoup plus vite.

Y répondre suppose non seulement de nouvelles capacités de production, mais aussi des réseaux plus intelligents, plus robustes et plus durables.

Sous les vagues se dessine une solution prometteuse : les câbles supraconducteurs sous-marins, capables de transporter des gigawatts d’électricité avec des pertes minimes, tout en réduisant la taille des plateformes offshore et en simplifiant les infrastructures de réseau. 

+20 %

la consommation d’électricité doit augmenter 20 % plus vite au cours de la prochaine décennie pour atteindre les objectifs climatiques

80m km

réseaux à ajouter ou à rénover d’ici 2040

>80 %

part de l’éolien et du solaire dans la hausse des capacités électriques mondiales d’ici à 2040, contre moins de 40 % aujourd’hui

Connecter les énergies renouvelables en mer 

La capacité de production éolienne en mer progresse rapidement en Europe, en Asie et aux États-Unis. Mais ce formidable potentiel s’accompagne de défis techniques et économiques croissants.

Les technologies de transmission classiques, reposant sur du courant alternatif ou continu à haute tension, montrent leurs limites. Elles nécessitent d’imposantes plateformes en mer pour convertir l’électricité avant son raccordement au réseau, alourdissant à la fois les coûts et l’empreinte environnementale.

Elles sont en outre confrontées à des goulets d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement, qui menacent de retarder les projets au moment même où les États rehaussent leurs ambitions en matière d’énergies renouvelables.

D’ici à 2050, la majorité de l’électricité produite en Europe devrait provenir des énergies renouvelables. Atteindre cet objectif suppose de moderniser ou de renouveler près de 300 000 kilomètres de lignes de transport et de câbles sous-marins. Les réseaux énergétiques de demain devront non seulement acheminer des volumes d’électricité bien plus importants, mais aussi offrir la flexibilité nécessaire pour s’adapter aux variations de production des renouvelables.

Les piliers de cette transformation passeront par le développement des parcs éoliens offshore, des pipelines d’hydrogène et des grands corridors de transmission longue distance — mais surtout, par des technologies capables de transporter d’immenses quantités d’électricité de façon fiable et durable sur des milliers de kilomètres. 

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Les câbles sous-marins supraconducteurs

Les réseaux supraconducteurs pourraient accélérer l’intégration des énergies renouvelables à grande échelle — qu’il s’agisse des parcs éoliens en mer ou des centrales solaires isolées — en offrant une alternative aux technologies de transmission traditionnelles : plus rapides à déployer et moins coûteuses sur le plan environnemental.

La plupart des nouvelles installations électriques, en particulier éoliennes et solaires, sont construites dans des zones reculées, ce qui impose de vastes infrastructures de transport dans des territoires encore vierges. L’élément le plus complexe et le plus long à mettre en œuvre reste la plateforme offshore de conversion en courant continu à haute tension, indispensable aux lignes de transport à longue distance.

Les câbles supraconducteurs offrent deux moyens de s’en affranchir, capables d’acheminer plusieurs gigawatts d’électricité sur plus de cinquante kilomètres. 

Option 1 : Transfert de courant continu à forte puissance et moyenne tension

Les supraconducteurs peuvent transporter des courants très élevés sans pertes électriques. Cette propriété permet de transférer de grandes quantités d’énergie à des tensions plus faibles, tout en maintenant, voire en augmentant, la capacité du système.

Dans le domaine des énergies renouvelables, les installations éoliennes et solaires produisent naturellement du courant continu à moyenne tension lors du processus de conversion. Ce courant continu est ensuite collecté et concentré dans des câbles d’exportation en courant continu à moyenne tension pour la transmission.

Le projet SCARLET, soutenu par le programme Horizon Europe, s’attache à développer cette approche innovante.

Option 2 : Transfert de courant continu à forte puissance et moyenne tension

Les supraconducteurs peuvent également étendre la portée des câbles d’exportation en courant alternatif. Les futures éoliennes devraient produire de l’électricité en courant alternatif à 132 kV, une tension idéale pour le transport sur des distances intermédiaires.

Mais à ce niveau de tension, les câbles à courant alternatif à haute tension, traditionnels atteignent leurs limites : pour réduire les pertes d’énergie sur de longues distances, ils nécessitent des tensions plus élevées et plusieurs lignes parallèles, tandis que la capacité de leur isolation provoque une déperdition d’énergie progressive le long du tracé.

Les câbles supraconducteurs, eux, peuvent transporter des courants bien plus élevés avec une capacité moindre, ce qui leur permet d’acheminer davantage d’électricité de manière efficace à des tensions plus faibles.

Cette solution devient aujourd’hui viable grâce à la convergence de trois technologies désormais matures :
– des conduites cryogéniques capables de maintenir les supraconducteurs à très basse température ;
– des câbles supraconducteurs à haute température, perfectionnés depuis vingt ans par Nexans ;
– des systèmes de refroidissement à base de gaz naturel liquéfié, développés par Air Liquide.

Les atouts des câbles supraconducteurs  

Au-delà de leur faisabilité technique, les câbles supraconducteurs offrent des avantages concrets pour des réseaux électriques sous tension :

  • Ils peuvent transporter des courants bien plus élevés que le cuivre ou l’aluminium, permettant la transmission de grandes quantités d’électricité à plus basse tension sur de longues distances.
  • Ils affichent une densité de puissance inégalée : un seul câble de 17 centimètres peut acheminer 3,2 gigawatts, soit l’équivalent de la production de trois réacteurs nucléaires.
  • Ils n’émettent ni chaleur ni champ électromagnétique, évitant toute interférence avec les systèmes électriques, télécoms ou de pipelines voisins.
  • Compacts et discrets, ils réduisent l’empreinte des infrastructures, notamment dans les environnements marins sensibles.
  • Ils simplifient les installations offshores et permettent de réduire la taille des plateformes de conversion d’au moins 75 %, en remplacement des systèmes résistifs de courant continu à haute tension.

 

Comment cette technologie contribuera-t-elle à électrifier le futur ?

La technologie supraconductrice s’impose comme un levier essentiel de la transition énergétique. En associant les câbles supraconducteurs à haute température à des limiteurs de courant de défaut, les réseaux peuvent atteindre des niveaux d’efficacité, de capacité et de durabilité inédits. Ces systèmes renforcent la flexibilité du réseau, simplifient les raccordements offshores et facilitent l’intégration massive des énergies renouvelables.

Alors que la demande mondiale d’électricité s’accroît et que les pressions climatiques s’intensifient, les supraconducteurs offrent une alternative compacte, modulaire et résiliente aux infrastructures traditionnelles. En réduisant les pertes sur le réseau et en soutenant le transport d’électricité sur de longues distances, ils s’inscrivent pleinement dans les objectifs d’électrification et de décarbonation.

Les câbles supraconducteurs à haute température, perfectionnés par des pionniers de l’industrie tels que Nexans, sont conçus pour répondre à ces nouveaux défis.  

Picture of Arnaud Allais

Auteur

Dr. Arnaud Allais est Chief Technology Officer Machinery, Cryogenic and Superconducting Systems chez Nexans. Arnaud est une autorité mondialement reconnue dans les technologies avancées des réseaux électriques et la supraconductivité à haute température (HTS). Fort de plus de vingt ans d’expérience, il pilote l’innovation et le développement stratégique de systèmes supraconducteurs avancés qui façonnent l’avenir du transport d’énergie.

Arnaud a obtenu son doctorat en génie des matériaux à l’École des Mines de Paris, en collaboration avec Alcatel, où il s’est spécialisé dans la modélisation des fils supraconducteurs Bi2223 Powder-in-Tube. Il est également diplômé en ingénierie de l’énergie et des matériaux de l’École d’ingénieurs d’Orléans. Tout au long de sa carrière chez Nexans, Arnaud a occupé plusieurs postes de direction clés, notamment celui de Directeur du Centre de Recherche Nexans et de Directeur de programme R&D au SuperGrid Institute – une coentreprise de recherche et développement avec GE, Alstom, EDF et de grandes universités françaises.